Une grande interview de Gaël, assez intéressante ! J'aime bien quand il est sincère, comme sur son parcours..
http://www.gqmagazine.fr/sport/intervie ... eton/44856Il était plutôt frais et fringuant ce jour-là en fin de matinée dans un petit coin isolé du bar de l’Hôtel Molitor, sa résidence préférée lorsqu’il descend à Paris. Il s’apprêtait à attaquer la saison sur terre battue. Plein d’espoirs. Tous déchus quelques jours avant Roland-Garros à cause d’un virus tenace. C’était dans l’optique des Internationaux de France que nous l’avions rencontré. Mais très vite notre conversation avait dévié sur des sujets autres que la terre battue. Le jeu, son style, ses envies, ses doutes, la Coupe Davis, son entrainement, sa diététique, Roger Federer, l’eau de coco, la Suisse, les montres ("J’adore les De Bethune"), les voitures ("Après avoir eu un Tesla S pendant six mois, je suis revenu à mon Range Rover Sport").… Monfils s’était confié comme rarement il l’avait fait auparavant. Retour sur ¾ d’heures de discussions mouvementées juste avant que le Français, désormais 11e joueur mondial, ne dispute les Jeux Olympiques de Rio en simple et en double avec Jo-Wilfried Tsonga.
Quel bilan peut-on tirer de votre première partie de saison ?Je ne fais jamais de bilan en cours de saison. Une saison, c’est une année entière. Il ne faut jamais penser à ce qu’on a fait et ce que l’on va faire, il faut rester dans le moment présent. Je veux rester dans ma bulle.
Vous donnez l’impression d’avoir progressé, dans votre jeu, dans son approche. C’est aussi votre avis ?Je suis dans de bonnes dispositions à partir du moment où je m’entraîne bien, avec une bonne équipe. Et c’est le cas depuis décembre dernier. Chacun travaille bien, mais je ne vais pas vous dire ce que je fais exactement. Tout ce que je peux dire est que je fais du bon boulot. On s’entend bien. Diététiquement, physiquement mentalement, le chemin pris est le bon.
Avez-vous avez l’impression de progresser encore, à votre âge et votre niveau ?Quoiqu’il arrive, on progresse. Les meilleurs comme les moins bons. Le tennis évolue en permanence, techniquement, physiquement, tactiquement. J’essaie de rester au proche du tennis moderne. Je travaille plus le service (il a adopté une nouvelle position lors du tournoi remporté à Washington le 24 juillet, ndlr), le coup droit.
Quelles sont vos faiblesses ? J’ai envie de dire tout ! On n’est pas injouable. Chaque semaine, on perd, à part Novak qui gagne pratiquement tous ses matchs. Lorsque l’on perd, cela veut dire que quelqu’un a mis le doigt sur nos faiblesses, que l’on n’est pas parvenu à trouver la parade.
J’ai la sensation qu’aujourd’hui, dans le tennis de haut niveau, la concentration est l’élément clé…Il nous interrompt. Alors ça, c’est quelque chose de subjectif selon moi. On nous parle souvent de concentration mais je n’arrive pas très bien à comprendre le concept d’une personne qui joue au tennis sans être concentrée… C’est quoi en fait ? On nous reproche de ne pas être concentrés sur tel ou tel point, mais cela ne veut rien dire. Rien que pour taper une balle, il faut se concentrer pour le faire.
Vous concernant, c’est peut-être le côté showman qui fait que l’on parle de cela. Vous pourriez très bien gagner des points de manière plus simple que vous ne le faites. En Australie, en 1/8è de finale, vous risquer la blessure en plongeant pour un point alors que vous menez deux sets zéro, ce n’est pas trop ?Lorsque je plonge, je suis hyper concentré. Souvent les gens pensent que je ne réfléchis pas. On me parle de showman parce que je plonge… Mais on ne voit pas le "plonger" car il ne veut pas perdre le point. Je ne plonge pas pour faire plaisir aux gens, je plonge car je veux avoir la balle.
D’accord, mais selon le score du match, on se dit que parfois vous pourriez limiter la prise de risque…Certains pensent comme ça, ok. Mais pas moi. Je pense juste à gagner chaque point. J’ai des qualités physiques un peu différentes donc on va me qualifier de showman à chaque point un peu spectaculaire. Mais dans ce cas-là, Rodger, quand il fait un coup droit long de la ligne, il la prend super tôt. Pour moi, c’est monstrueux.
C’est moins claquant à l’œil nu…C’est de l’élégance, oui. C’est exceptionnel, j’appelle ça showman. Quasiment aucun joueur ne peut faire comme lui. Moi, mon talent reste sur des qualités physiques, donc on dit showman. Rodge, il ne plongera pas, moi j’ai dû mal à prendre très tôt la balle en mode ping-pong. Chacun a sa caractéristique, on voit davantage voir Rafa (Nadal, ndlr) ou Novak (Djokovic, ndlr) faire des glissades. Quand Novak fait ça, on ne dit pas showman, mais "qu’est-ce qu’il se bat, l’homme élastique, quel mental… !". Bah moi je glisse et je vais plonger de temps en temps. Je ne suis pas con, je sais que c’est du béton. Je veux juste gagner le point, je ne veux pas me faire mal. C’est comme si on me disait là: "vas-y plonge". Attendez, je ne suis pas débile. Je sais que je peux me faire mal. C’est juste que sur certains points j’arrive dans une situation où, pour l’instant, mon corps me permet de faire des plongeons, de glisser. Et jusqu’à maintenant, je ne me suis rien cassé. J’ai peut-être un ange gardien. Quand c’est fait à l’instinct, je pense que l’on risque moins de se faire mal.
Bon, en fait, je voulais dire qu’heureusement que vous êtes là, car on s’ennuie un peu nous en tant que spectateurs, avec Novak Djokovic qui gagne tout, les jeux stéréotypés type Murray aussi…Novak est très très fort, il a réponse à tout. Dans tous les compartiments du jeu, il sait quoi faire. Il est monstrueux. Ce qui fait est exceptionnel.
C’est incontestable, mais le public se lasse…Je trouve cela beau. Je ne sais pas vraiment si c’est chiant pour le spectateur. Franchement, si je pouvais tout gagner, je le ferai aussi !
Une personne qui gagne tout le temps dans le sport, c’est forcément louche. Vous pensez que certains se dopent ?Non, pas du tout. Novak est plus fort tennistiquement, c’est tout. Je n’ai jamais pensé au dopage, mais à ce que je pouvais faire pour le faire chier. Il est plus fort au retour, dans la vitesse de jeu.
Et Maria Sharapova ?Je ne sais pas. J’ai appris très tard cette affaire, cela ne m’intéresse pas en fait. Tout ce que je peux dire est que Sharapova est une grand championne, qui a mental d’acier. Elle a apporté énormément au tennis.
Doit-elle être sanctionnée (elle a depuis notre interview été suspendue deux ans par l’ITF, la Fédération internationale de tennis, ndlr) ?Je ne sais pas trop, je suis à des années lumière de cela. C’est une grande championne.
Passons au tennis français. Yannick Noah a repris les rênes de l’équipe de France de Coupe Davis. Vous étiez du premier tour en Guadeloupe…Il enchaîne Tout s’est super bien passé. Yann est quelqu’un de généreux, qui donne de l’énergie, de bonnes vibes. C’est un leader incroyable. Quelqu’un d’inspiré. Il a toujours quelque chose à transmettre. On s’est bien éclatés tous ensemble, c’était exceptionnel.
Est-il l’homme qu’il fallait à l’équipe de France pour gagner la Coupe Davis ?On verra à la fin si c’était lui.
Franchement, ne serait-ce pas un gâchis si la France ne gagnait pas la Coupe Davis ?C’est encore trop loin. J’ai l’impression qu’il me reste cinq années au plus haut niveau. J’espère que d’ici là, j’en gagnerai une.
Il y a un an, vous m’aviez dit: "je veux gagner un grand chelem, je veux être numéro 1 mondial…" Alors ?
Bon, numéro 1 mondial, c’est un peu dur avec Novak ! Et je l’avais déjà dit ainsi, je crois ! Pour les grands chelems…
Avec les qualités que vous avez, Tsonga également d’ailleurs, on ne comprend pas que vous n’en gagnez pas un, comme Cilic, Del Potro ou Wawrinka ont su le faire…On peut penser cela aujourd’hui. Mais n’oublions pas que nous donnons le maximum. Pour ma part, je trouve cela beau qu’on puisse me dire cela. Car je suis un enfant du 19è arrondissement de Paris que ne rien ne prédestinait au tennis… On y a cru et j’ai failli y arrivé. On verra si je n’y arrive pas d’ici 5 ans. Honnêtement, quand j’ai commencé à jouer au tennis il y a 25 ans… On nous voit là maintenant, en haut de l’affiche, mais il ne faut pas prendre une seule partie de l’histoire. Il ne faut pas oublier la complexité de son sport, les sacrifices, ceux de la famille… Pour défendre Jo, si jamais il n’y arrive pas non plus, il faut dire qu’il est parti à 12 ans de chez lui, je crois. Il vient du Mans. On lui aurait dit "tu vas arriver là, dans le top 10, avec des titres en Masters 1000…", personne n’aurait misé dessus. En plus, il n’était pas très fort quand il était petit, il a cravaché pour en arriver là. C’est déjà exceptionnel. Comme ceux que font les autres, Djoko fuit la guerre dans son pays pour arriver à ne plus perdre un match. Sa trajectoire est exceptionnelle. La nôtre est peut-être juste très sympathique, mais beaucoup aimerait l’avoir. On veut qu’elle soit exceptionnelle et c’est pour cela que l’on va encore davantage de se donner sur les années qui vont arriver. Mais ce n’est pas facile.
Pour y arriver, quel coup de tennis vous aimeriez posséder en plus dans votre jeu ?J’aimerais bien maîtriser l’attaque qui emmène à la volée, avoir une volée incroyable me sentir vraiment à l’aise au filet. Une balle courte et pouvoir dérouler le jeu vers l’avant avec une volée propre.
Sortons un peu du tennis. Pourquoi venez-vous toujours à Molitor lorsque vous vous arrêtez sur Paris ?Pour l’emplacement déjà, car on est à côté de Roland-Garros. Et puis l’ambiance, le personnel. Ils sont très sympas. Cela peut paraître bizarre que je vous dise cela, mais ici c’est vraiment cool. Lorsque l’on est venu pour la première fois ici en Coupe Davis, c’était vraiment très sympa, tout le monde avait été très gentil. Du coup, je viens ici dès que possible. Cela ne veut pas dire que les gens des autres hôtels ne sont pas sympas, mais ici, c’est particulier. Et puis le cadre… C’est magnifique ! Je ne suis pas un grand nageur, mais faire une trempette de temps en temps, c’est cool. Avec un peu de nage papillon pour se marrer, même si je coule plus que je ne nage. C’est la nage que l’on essaie tout le temps avec des potes. Et puis j’aime bien les chambres, super cosy. J’ai un bon feeling ici. Il y a la salle de sports aussi, j’y fais un peu de vélo, des altères, des feet ball… C’est moderne.
Y-a-t-il d’autres endroits où vous vous sentez aussi bien ?En Floride, oui. Et j’aime bien Tokyo aussi.
Vous voyagez toujours en business dans les avions ?Essentiellement, oui. Pour certains longs trajets, on récupère mieux et c’est bon pour le dos. Et puis, lors d’un tournoi, il faut que dès le lendemain du vol on soit au taquet, donc c’est bien de se reposer en business. Mais, honnêtement, et ça peut paraître bizarre, quand je pars avec des potes en vacances, cela ne me dérange pas d’être en classe économique, je peux mettre mes pieds en diagonale. J’ai un peu mal au dos si c’est loin, mais bon…
Je voulais vous parler de votre amour pour l’eau de coco. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!Oui, celle de Vaïvaï. Vous avez jamais goûté l’eau de coco ?
Non...Bon, je n’en ai pas là, seulement dans ma chambre. Mais c’est hyper bon ! Comme je viens de la Guadeloupe, c’était une bonne idée que je mette en avant cette marque. Il faut absolument goûter. Je préfère l’eau de coco nature à celles avec des parfums, c’est moins mon truc.
Comment combiner ce genre de passion avec votre hygiène de sportif ?Il ne faut jamais être dans l’excès, quel que soit le produit. Mais l’eau de coco, ça va !
Vous vous freinez sur quoi du coup ?J’essaie de moins boire de soda, je fais attention au sucre que je mange aussi. Mais honnêtement, je ne fais pas que ça. Je m’octroie parfois un coca, ce n’est pas la mort.
Avez-vous déjà essayé le sans gluten ?Écoutez, ici, il y a un gâteau à la vanille sans gluten qui est exceptionnel ! Je le prends tout le temps. Après, une alimentation totale sans gluten, je ne suis pas chaud.
Quel est le dernier cadeau un peu dingue ou décalé que vous vous êtes offert ?Un petit pompon !
Un pompon… ?Oui, chez Fendi. Avec les smiley. Je l’ai mis sur un sac, ça me suit partout. J’aime bien les émojis, presque trop d’ailleurs. Je ne parle parfois que comme ça sur les textos.
Parlons un peu de la Suisse...Je vis en Suisse et j’aime bien ça.
Peut-on parler d’exil fiscal ? Ou est-ce une histoire d’amour qui est à l’origine de cet emménagement en Suisse ?Pas mal de choses peuvent arriver oui ! rires Écoutez, les gens mettent tous sur l’exil fiscal, les avantages. Mais franchement, j’aime la Suisse. Pour y vivre, c’est génial. Il y a des avantages, oui. Mais des inconvénients aussi. Mais les gens ne veulent pas l’entendre ou n’en parlent pas.
Quels inconvénients par exemple ?Quand je dis ça, c’est une manière de parler. La Suisse, c’est comme partout, Paris ou une autre ville, il y a des avantages et des inconvénients. Comme mon cousin qui vit en Guadeloupe qui ne va voir que les avantages ou inconvénients de vivre en ville.
Vous resterez là-bas après la fin de votre carrière ?J’ai plein d’idées, et ce n’est jamais bon signe. Il vaut mieux en avoir une ou deux. Moi, il y en a partout ! J’essaie progressivement de trouver ma voie.
Dans le tennis ?Je ne sais pas trop. Pas forcément. Ce n’est pas mon idée première.
Je ne vous vois pas rester dans ce domaine…Être acteur dans le tennis fera un peu partie de ma vie, c’est sûr.
Et acteur tout court ?Faudra que je prenne des cours ! Mais cela peut être marrant. En fait, je veux faire un peu de tout. Mais si on me demande là maintenant, je dirai l’horlogerie. J’adore tout ce qui est mécanisme. L’horlogerie apporte également plein d’autres choses comme l’histoire. Et j’aime beaucoup l’archéologie aussi. Voyager, être pseudo-archéologue, ça peut être cool. Et découvrir d’autres musiques aussi. J’aime le rap français, la dance hall, la variété française. Je suis plus musique numérique genre Apple music, Spotify, SoundCloud que platines vinyles.