Monfils la joue modeste
Après environ deux mois d’inactivité, le Français revient enfin sur le circuit. Sur la pointe des pieds.
POUR COMMENCER, deux bonnes nouvelles : Gaël Monfils est vivant ; et il est toujours joueur de tennis. À dire vrai, on aurait presque pu finir par douter de la seconde assertion. Depuis le 15 mars et sa défaite d’entrée à Indian Wells, le Français avait disparu de l’ATP pour ne faire qu’une brève apparition sur l’EPT (European Poker Tour), lors de sa phase finale, à Monte-Carlo. L’image avait fait sourire beaucoup de monde. Moins le principal intéressé. « J’aimerais dire très clairement que mon but premier, c’est quand même d’être tennisman, lâche-t-il, un brin exaspéré. Le poker, c’est une passion, mais ce n’est pas mon job. À ma place, sachant que je ne pouvais pas jouer, beaucoup de gens auraient fait la même chose que moi. Et je ne vois pas où est le problème. »
S’il y en a un, on le localisera plutôt dans sa main gauche. Victime d’une grosse contusion à l’os crochu début mars, en Coupe Davis, contre Kohlschreiber, « la Monf » s’est retrouvé malgré lui en arrêt maladie, contraint de porter une attelle durant une vingtaine de jours. Pas de Miami, pas de saison sur terre battue, jusqu’à ce retour sur la pointe des pieds à Estoril, où il a bénéficié au dernier moment d’une wild-card. Le chômage technique lui a beaucoup coûté.
« C’était une super expérience de jouer ce tournoi de poker, dit-il. D’autant que j’avais pris des cours avec des pros, notamment Thomas Bichon. J’ai été éliminé au bout d’un jour et demi et j’ai dû finir 360e sur 850. Mais je paye cher mon inactivité forcée. » Car, qu’a-t-il fait entre-temps ? « C’est terrible à dire, mais rien ! sourit-il. Un tout petit peu de tennis, chez moi, en Suisse, avec Stan Wawrinka ; quelques footings ; des entraînements de foot avec l’équipe des moins de 21 ans du Lausanne Sports. J’ai vécu une vie « normale » mais je ne pouvais plus faire ma muscu du haut ou tenir une raquette. Résultat : j’ai perdu pas mal en masse musculaire. »
« Je me sens moyen partout »
Hier après-midi, à l’entraînement, Monfils en a bavé sévère contre l’Espagnol David Marrero, qui évolue pourtant au-delà de la 200e place mondiale. Le briefing qui suivit avec son coach Roger Rasheed dura près d’une heure. Le Français refuse de se voiler la face : le pain est sur la planche et son jeu presque en miettes. « Franchement, je ne suis pas super en forme, admet-il en usant de l’euphémisme. J’ai vachement maigri. En gros, depuis la semaine de préparation à la Coupe Davis, à Toulon, je ne me suis pas entraîné. J’ai perdu dans tous les domaines. »
Il souffle. « L’idée, à Estoril, c’est de renouer avec la compétition. Je n’ai pas de réel objectif. J’ai envie de jouer mais, même aujourd’hui, à cause de la main, il y a des choses que je ne peux pas faire au niveau muscu du haut. J’ai du mal à soulever des trucs, je ne peux pas faire trop de pompes... Je peux juste jouer tranquillement. Alors, on verra. »
Troublé également par des problèmes personnels, liés à la grave maladie d’un de ses meilleurs amis, le Français admet traverser une phase difficile : « Il n’y a pas que le physique : je me sens franchement moyen partout. Dans le jeu, dans la tête, dans le corps. Je me sens frustré. En tant que personne, aussi, je me pose des questions... » Mauvais timing, Roland-Garros approche à grands pas. À J –17 de l’échéance, la Monf marche sur des oeufs. « De toute façon, je n’arrive jamais dans de bonnes conditions à Roland. L’année dernière, j’ai quand même eu une part de réussite et on ne peut pas compter là-dessus tout le temps. Je suis conscient qu’il y a du boulot. Je n’ai pas l’impression d’avoir entamé une course contre la montre. J’arriverai comme j’arriverai à Roland-Garros. J’aimerais bien ne pas me décevoir. Je verrai bien ce que le bon Dieu me donnera ce jour-là. »
Après Estoril, Monfils enchaînera sur Madrid et Nice. « Ben... au pire, je peux arriver à Paris avec seulement trois matches... » Soit deux de plus que l’an dernier, où il avait pourtant atteint les quarts de finale du French. Nul doute qu’il signerait les yeux fermés pour remonter le temps.
VINCENT COGNET
