Monfils, trois semaines d'arrêt!
Eliminé au premier tour du tournoi de Monte-Carlo, Gaël Monfils avait annoncé souffrir d'une tendinite au genou et devoir faire l'impasse sur le tournoi de Barcelone pour observer deux semaines d'arrêt. Ce diagnostic a trouvé un prolongement malheureux, vendredi, puisqu'il s'avère que "la Monf'", après avoir passé des examens approfondis à Paris, souffre d'une tendinite aux deux genous et doit observer trois semaines d'arrêt, manquant ainsi le MASTERS 1000 de Rome. Un coup dur à un peu plus d'un mois des Internationaux de France à Roland-Garros, où Monfils avait disputé les demi-finales la saison passée.
Demi-finaliste des Internationaux de France 2008, Gaël Monfils adore le jeu sur terre battue. Explications.
Gaël Monfils et la terre battue, c'est une histoire d'amour qui dure depuis longtemps. Depuis qu'il a appris à jouer au tennis en fait, lui qui a fourbi ses armes sur les terrains ocres de Jean-Bouin, à quelques centaines de mètres seulement du prestigieux stade qui accueille le deuxième Grand Chelem de la saison.
Sur quelle autre surface en effet "Sliderman" pourrait-il à ce point faire parler ses talents de roi de la glissade ? Et quel autre théâtre que la Porte d'Auteuil, devant son public, pour magnifier son goût du spectacle ? De son titre de champion de France 15-16 ans remporté à Paris en 2002 à sa chevauchée fantastique jusqu'en demi-finales des Internationaux de France l'année dernière, en passant par l'ouverture de son palmarès à Sopot, le parcours de "la Monf'" est parsemé de références capitales à la plus exigeante des surfaces. Pour quelles raisons profondes ?
"Le défi mental ? Ouais, ça j'adore !"
"J'aime bien les échanges longs, explique le plus simplement du monde l'intéressé. En plus, j'ai davantage le temps de penser sur terre. Je peux aussi partir de plus loin, je ne suis pas obligé de coller à ma ligne de fond, je peux aussi faire plus de kick… C'est une surface que j'aime bien, quoi !" Au point qu'au moment de s'offrir son titre à Roland-Garros en juniors en 2004, lui dont le plus grand jeu était alors d'affoler le radar, le Parisien n'avait pas hésité à tenter -et réussir- un ace sur deuxième balle. Parce que la dimension mentale, la capacité à prendre l'ascendant psychologique dans cette partie géante d'échec qu'est le jeu sur terre battue, est aussi l'un des aspects qui lui plaît tant.
"Le défi mental ? Ouais, ça j'adore !, confirme-t-il. Et à Roland-Garros, cet aspect psychologique est encore plus important." Car il s'agit de matchs au meilleur des cinq sets et parce que là, plus qu'ailleurs, les outsiders sont légion dans l'armada terrienne. "Disons que dès le tirage au sort, tu peux être en galère , affirme Gaël Monfils. Imagine que tu tombes d'entrée contre un Oscar Hernandez, un Albert Montanes ou un un Potito Starace : ils ne sont peut-être pas très connus du grand public, mais bon, il faut les battre ! Après, ça monte crescendo, et au troisième tour, tu es sûr de devoir jouer quelqu'un de très costaud. En plus à Roland, comme c'est un Grand Chelem, on est 128 dans le tableau, donc on se joue forcément entre nous, les terriens, et on se brûle pour ainsi dire des jokers."
Handicap certain… mais pas rédhibitoire
Le destin a malheureusement voulu pour lui que cette année, le chemin qui mène à "Roland" ressemble à un petit enfer personnel. Victime d'une rechute d'une maladie de croissance contractée à l'adolescence, la maladie d'Osgood-Schlatter, qui touche ses deux genoux et tout particulièrement le gauche, la Monf' a dû renoncer dans la foulée du Masters 1000 de Monte-Carlo au reste de la tournée sur terre battue, au moins jusqu'à la veille des Internationaux de France. Un handicap certain au moment d'aborder le rendez-vous le plus important de l'année pour tout le contingent français. Mais pas rédhibitoire.
Car on se souvient qu'en 2008 déjà, il était arrivé à Paris très incertain en raison d'adducteurs douloureux. Avant de se hisser dans le dernier carré et de ravir un set à Roger Federer. Or cette année, Gaël Monfils sait que son mental, déjà plus à éprouver, peut désormais compter sur un allié de taille : le physique. Façonné avec la plus grande minutie sous la conduite de son entraîneur australien Roger Rasheed avec qui il collabore depuis l'été dernier. "J'ai beaucoup travaillé ces dernières semaines, confirme le Français. Physiquement, je suis plus fort qu'il y a un an." Avant de conclure, sûr de lui : "Dans ce secteur, je sais que, même face à Rafael Nadal, je peux tenir la comparaison."
Roger Rasheed : «J'ai toujours le feu dans les yeux»
Dans le cadre de ce blog Lacoste/Yahoo! nous vous proposerons régulièrement des entretiens avec des coaches. L'occasion de plonger au cœur de ce métier par comme les autres. Deuxième intervenant de cette série: l'Australien Roger Rasheed, ex-coach de Lleyton Hewitt et actuel entraîneur de Gaël Monfils, qui est d'ailleurs dans l'expectative quant à sa participation à Roland-Garros.
Qu'est-ce que qui vous a décidé à devenir coach ?
Ma carrière de joueur n'a pas été celle que j'espérais (ndlr: il fut classé à la 192e place mondiale en 1992). Depuis l'âge de 15 ans, je souffre du dos. J'ai des problèmes de disques et ce problème m'a évidemment empêché de pleinement exploiter mon potentiel. Mais lorsque j'ai arrêté, j'avais toujours le feu dans les yeux. Ce métier de coach est donc aujourd'hui pour moi un moyen de prolonger mon envie de vibrer pour la compétition mais de le vivre d'une autre manière.
L'Australie est un grand pays de sport et donc d'entraîneurs, quels sont ceux qui vous ont influencés ?
Je ne peux pas dire qu'il y en ait un plus qu'un autre qui qui m'ait vraiment influencé. Le rôle d'un coach est d'être à l'écoute de tout ce qui se dit. Je pose beaucoup de questions aux gens qui m'entourent, pas forcément des spécialistes de tennis d'ailleurs, sur la façon dont je me dois d'agir. Plus je recueille d'informations, plus j'ai de matière pour me forger mes convictions et aller dans la bonne direction avec mon joueur. Je parle très souvent à Wally Masur (l'ancien joueur australien), qui est un très bon ami et qui connait merveilleusement le tennis. Dans un autre domaine que le tennis, j'ai brièvement travaillé avec Greg Norman. Collaborer avec un champion d'un autre sport est aussi une expérience particulièrement enrichissante.
Quels sont les grands principes de votre métier ?
Le premier, c'est l'adaptation, pas de doute là-dessus. Il faut « sentir » son joueur comme l'on dit. Je ne me comporte pas de la même façon avec untel ou untel. Pour certains, il faut être un guide, presque un peu un père. La vie d'un joueur de tennis, ce n'est pas que le terrain. Il y a le marketing et les médias, autant de domaine qu'un jeune joueur ne connait pas. Il faut l'aider à bien faire cette partie de son métier mais il ne faut pas que cela le « bouffe » également. Le plus passionnant dans ce job, c'est d'essayer de trouver les solutions qui vont permettre à mon joueur d'exploiter parfaitement son potentiel, surtout quand il est grand, comme c'est le cas avec Gaël (ndlr: Monfils). J'ai une Ferrari entre les mains et je me dois de trouver les meilleurs réglages afin de la faire aller le plus vite possible, et ce, sans qu'elle casse. C'est beaucoup d'observation, de recul...
A la rencontre de... Roger Rasheed
dimanche 24 mai 2009 - Par Benjamin Adler
Gaël Monfils disputera bien Roland-Garros. Son coach Roger Rasheed confirme que le Français est opérationnel. L'Australien est un guerrier. Et il veut un joueur à son image.
Il voulait entendre un autre discours Gaël Monfils. Il est servi. Roger Rasheed a concocté un "programme éducationnel" pour l'impavide et turbulent Parisien, gourmand consommateur d'entraîneurs en quête de stabilité. Mardi, "la Monf" entrera en piste, dans le costume d'un demi-finaliste en titre handicapé par une jambe fragile.
"Il est prêt", assure l'ex-coach de Lleyton Hewitt. La collaboration entre le musculeux Australien et le Français fêtera dans deux mois sa première bougie. Et à voir la complicité entre les deux ambitieux dans l'intimité d'un petit bout de couloir près des vestiaires, le temps est au beau fixe dans le couple.
"J'essaye de lui transmettre ma recette pour être un battant ultime. Je ne suis pas surpris par son attitude, c'est un combattant et il savait à quoi s'attendre en me demandant de travailler avec lui. Il était prévenu", nous raconte Rasheed. "J'aurais pu rester chez moi en Australie, ce n'était pas un problème. Quand il m'a appelé, j'ai exposé mes méthodes et s'il n'était pas d'accord je n'acceptais pas. Mais il sait ce qu'il veut et il apprend tous les jours à travailler encore mieux. Il y a différents niveaux de travail, le mien est extrême et peu de joueurs sur le circuit peuvent l'endurer. Il a eu un peu peur au début mais c'est une bonne chose."
Plus psychologue que coach
Depuis son abandon contre Gilles Simon en huitièmes de finale de l'Open d'Australie (poignet), le n°3 français est trahi par son corps. Impossible de respecter l'ambition initiale : "Mieux utiliser ses armes et apprendre à être plus agressif avec justesse". Gaël traverse une passe difficile. Pour les modifications techniques et tactiques, il faudra attendre.
Après une finale à Acapulco début mars, les bons résultats se sont raréfiés. A mesure que ses genoux ont été de plus en plus douloureux. Jusqu'à l'éloigner du circuit pendant cinq semaines. "Il est en manque de tennis mais ça peut le motiver, ça peut lui donner encore plus faim", positive coach Roger, mué en psychologue, frustration de son poulain oblige.
"Les blessures font partie de la vie de professionnel, tous les joueurs sont déçus et frustrés de ne pas pouvoir être sur un court. Gaël encore plus car c'est arrivé quand il était 9e mondial et dieu sait quelle saison sur terre battue il aurait pu réaliser sans cette blessure, explique Rasheed. Comme coach, tu dois alors faire beaucoup de psychologie. C'est plus du management que du tennis. Il a fallu positiver, ne pas se focaliser sur la douleur et trouver une nouvelle façon de travailler physiquement."
"Rien n'est gratuit dans la vie"
"Je suis rentré en Australie discuter avec des spécialistes médicaux qui travaillent dans le football australien, je devais avoir toutes les informations pour pouvoir prendre une décision et établir le programme de rééducation. Il fallait trouver une solution pour qu'il revienne le plus tôt possible". D'ailleurs, "La Monf" peut-il revenir encore plus fort une fois en plein possession de ses moyens ?
"Pour revenir plus fort, il faut être un guerrier et avoir un gros caractère. Moi cette mentalité je la tiens de mes parents. Ils sont arrivés en Australie du Liban par bateau, mon père tenait un café et il a travaillé de 5h à 19h six jours sur sept pendant presque trente ans. Rien ne vient gratuitement dans la vie, il faut mériter les récompenses. Et elles ne viennent que si tu travailles dur", rétorque celui qui ambitionne de faire de son protégé "le professionnel ultime." Tout un programme. A court terme, il y a un Grand Chelem à Paris à disputer. En positivant, le nouveau leitmotiv de Monfils.
La nouvelle Gaëlaxie
En un an, de la demi-finale 2008 au quart de finale d'aujourd'hui, la garde rapprochée de Monfils a changé de visages. Visite guidée.
SON KINÉ
Falchi, à la « bolognaise »
DEVENIR kiné de Gaël Monfils, c'est simple comme un coup de fil. Un beau jour, ça sonne et on entend : « Allô, c'est Gaël Monfils, je vous appelle de la part de Stéphane, le kiné de l'Atp. Voilà, je cherche quelqu'un et j'ai pensé à vous. » Ça s'est passé comme ça, c'était début janvier. « Quarante-huit heures après, raconte Stéphane Falchi, l'heureux élu de trente-deux ans, j'étais dans l'avion pour le rejoindre à Adelaide. J'étais kiné au Country Club d'Aix-en-Provence et, du jour au lendemain, j'ai lâché mon cabinet pour tenter l'aventure. Moi, je suis un grand adepte des vieilles méthodes dans mon travail: étirements, massages ... Vivre avec Gaël, c'est un pur bonheur. Pour moi, c'est mon petit frère. » La proximité d'âge rapproche. « On a les mêmes centres d'intérêt, corrobore Monfils. On s'amuse bien avec lui. Juste avant Roland- Garros, on était dans ma maison, près de Nyon, et on devait préparer les dîners à tour de rôle. Stéphane est un peu italien et ses spaghettis bolognaises étaient vraiment pas mal. » Simple curiosité, qu'avait concocté le cordon-bleu Monfils ? « Moi, je suis allé chercher des trucs chez McDonald's. » Ça, c'est pas du jeu.
SON CONSEILLER
Chamagne, le « mentor »
C'EST LE MEMBRE historique du team Monfils. « Il est avec moi depuis que j'ai dix-sept ans. C'est mon homme de confiance, mon mentor, décrit le joueur. Il m'aide à grandir. » Depuis vingt ans, Chamagne va et vient entre le lift et le vroum-vroum. Préparateur physique d'Henri Leconte puis d'Olivier Panis, le Chamoniard, quarante-neuf ans, jongle également entre deux vies qu'on n'aurait jamais eu idée de marier. « Je suis préparateur physique et collaborateur de la banque Rothschild, explique-t-il. Je travaille dans un département qui aide à favoriser l'installation de sportifs en Suisse. Ça va de l'achat d'appartements au paiement des factures. » Sous sa casquette « footing-Coupe Davis muscu », on lui doit, par exemple, la mission « Retapons le dos d'Henri Leconte » juste avant la finale de Coupe Davis à Lyon en 1991 . Avouez qu'on n'a pas eu à s'en plaindre. « Après, pendant huit ans, j'ai bossé avec Olivier Panis, notamment après son accident à Montréal en 1997. » Et que pense aujourd'hui le mentor de l'élève Monfils ? « La première fois que je lui ai parlé, je l'ai trouvé timide. Gaël déteste les conflits. Il a un petit côté naïf: en fait, il aime naturellement les gens. D'ailleurs, avec Roger (Rasheed), on souhaiterait qu'il soit moins gentil sur le terrain. Sinon, c'est une crème. Garçon bien élevé et sûrement pas fêtard. Il faut juste respecter les plages dont a besoin Gaël pour s'évader. Il a très bien compris qu'il devait dire à ses copains de partir à 22 heures quand il doit jouer le lendemain. »
SON COACH
Roger Rasheed comme « Popeye »
GAËL MONFILS est sans doute très balèze mais, quand son entraîneur lui parle du pays, il ne moufte plus. Il faut dire que le père Rasheed, avec ses gros yeux noirs et ses bras de lanceur de troncs, ne donne pas envie qu'on lui cherche des noises. « Roger, c'est un beau bestiau. Je l'adore aussi parce qu'il en impose, se gondole Monfils: Vous avez vu ses mollets? Et ses biceps? Quand il s'énerve, t'as vachement envie de l'écouter! Il n'a jamais eu peur de me rentrer dans le chou et j'aime ça. Il est franc et toujours juste. » Quand Monfils l'a embauché en juillet dernier, que connaissait-il du « Popeye » d'Adélaïde? « Je savais que c'était lui qui avait fait Lleyton Hewitt. C'était déjà assez. » C'était aussi exagéré. Pendant sa période Rasheed (juin 2003-janvier 2007), Hewitt a certes disputé une finale à l'US Open (2004) et une à l'Open d'Australie (2005), mais il est aussi passé de numéro 1 à 20e mondial. Dans le milieu, on reprocha à Rasheed d'avoir trop pensé à faire faire de la gonflette à Hewitt (il est très branché préparation physique) au lieu de réformer son jeu. Mais Rasheed, quarante ans, n'était peut-être ni coupable ni responsable. Aux archives de l'ATP, le dossier Roger Rasheed n'est, lui, pas bien épais. Présenté comme un grand espoir sur son île (phénomène de précocité, il s'était qualifié à seize ans pour l'Open d'Australie en 1985), il a pris sa retraite de joueur en laissant le souvenir d'un garçon trop souvent blessé et qui n'a jamais percé; son meilleur classement, 192e en mai 1992, ne dit pas autre chose. Entre sa période Hewitt et sa période Monfils (les deux seuls joueurs qu’il a coachés), Rasheed commentait le tennis pour Channel 7 (une chaîne australienne) et fit parler de lui l'an dernier en divaguant à l'antenne sur le petit short moulant de Venus Williams.
Aujourd'hui, son crédit de coach est de plus en plus reconnu. Et personne n'osera dire que Rasheed est un je-m'en-foutiste. Gros bosseur, il épluche toutes les stats et lit toutes les interviews. Sa culture du jeu actuel est donc très fine. «Roger, c'est la pièce maîtresse du team, assure Monfils. C'est quelqu'un de très méticuleux. Putain! il faut voir comment il dissèque chaque point, chaque coup... Il me fait halluciner. Après un match, il peut me parler vingt minutes d'un seul point de la rencontre parce que ça l'a saoulé. Même si je mène deux sets à rien, il peut bloquer sur le point à 5-2 pour moi dans le troisième. » Si on en restait là, on aurait le parfait portrait du militaire à l'ancienne, tendance moine soldat. Et on se tromperait. « Roger n'a pas l'air commode, mais il est super charmant, insiste Monfils. Je l'aime beaucoup parce qu'il a toujours cherché à me comprendre. J'ai vécu chez lui à Adelaide, avec sa fille (deux ans et demi), sa femme, son père et sa mère, pendant un mois en fin d'année dernière. Et c'était magnifique! »
• Prochain billet d’avion ? « Pour la Malaisie et le tournoi de Kuala Lumpur. »
• Un autre sport que le tennis ? « Le basket ! »
• Votre Grand Chelem préféré ? « Roland-Garros. »
• Le joueur que vous n’aimez pas rencontrer ? « Il n’y en a pas. »
• Un plat de fête ? « C’est un plat antillais : les dombrés aux crevettes. »
• Votre juron favori ? « Je n’en ai pas. »
• Si vous n’aviez pas été joueur de tennis ? « Basketteur »
• L’endroit du monde pour passer votre retraite ? « Je ne sais pas, je n’ai pas encore d’idée sur le sujet. J’ai le temps. »
• La qualité préférée chez une femme ? « Il y en a plein… ou peu ! La gentillesse. »
• Le nom d’un vainqueur de l’Open de Moselle ? « Arnaud ( Clément), Ljubicic, Haehnel, Tursunov… Et Djokovic ! »
Mythes et réalités de Gaël Monfils. Vaste sujet. Parfois insaisissable, quelquefois lunaire, souvent attachant, on ne sait pas vraiment qui il est. Le Picasso de son portrait nous mène à droite et à gauche. A droite, un garçon un peu azimuté, soi-disant imprévisible. C'est l'image de Monfils depuis longtemps. Il la vit comme un furoncle. Ou comme une injustice. À gauche, il y a le contraire. « Gaël n'est plus le même joueur depuis un an. Il est devenu un vrai pro », répète son coach Roger Rasheed. Monfils a gardé un vrai fond d'originalité et ce n'est pas désagréable. Il a grandi aussi. Il n'utilise plus trop le verlan, il ne se loupe presque plus depuis des mois et sa demi-finale ici même l'an dernier. Il a battu Nadal à Doha en janvier et il est entré dans le top 10 en mars. Aujourd'hui, Andy Roddick le défie, chez lui, en huitièmes de finale. Mais avant, Monfils a accepté de se refaire le portrait.
« EST-CE QU'ON DOIT être surpris de voir Gaël Monfils en deuxième semaine ?
- C'est comme vous voulez. Si on pense à mon genou (une inflammation au genou gauche l'a privé de la majeure partie de la saison de terre et a failli le contraindre au forfait à Roland-Garros), oui c'était pas gagné. Mais si on enlève cette histoire, je ne vois pas trop où est la surprise. Moi, je ne trouve pas ça dément d'être en huitièmes de finale. Je vise plus loin, beaucoup plus loin.
- Qu'est-ce qui vient en premier quand vous pensez à votre parcours jusqu'en demi-finales ici l'an dernier ?
- C'est le regard de mes parents. Ils me téléphonaient chaque soir pour savoir si tout allait bien. Ils étaient émus, heureux. Ma famille ne connaît rien au tennis et là, pendant deux semaines, ils étaient incollables. Si tu leur demandais qui était Söderling, ils te disaient : ‘C'est un Suédois, il fait ci et ça.’ Moins d'une semaine après, ils avaient oublié. Je repense aussi à ma grand-mère en Martinique qui était malade et qui regardait tous mes matches.
- On entend toujours des choses comme: "Gaël est ingérable, Gaël peut perdre les pédales d'un moment à l'autre, Gaël ne prend pas sa carrière assez au sérieux"...
- Je laisse dire. Tout ça, c'est un peu du flan. Si j'avais été comme les gens voulaient que je sois, je suis certain que je ne serais pas arrivé où j'en suis. Je suis en deuxième semaine en Grand Chelem tout le temps depuis un an (il n'avait pas disputé Wimbledon l'an dernier). Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de joueurs français qui peuvent en dire autant. Je suis entré dans le top 10 à vingt-deux ans. Je ne crois pas que ça soit arrivé à tous les joueurs français. Et pourtant, on ne me prend pas toujours au sérieux.
- C'est peut-être parce que vous étiez moins sérieux avant...
- Vous croyez qu'on est 30e mondial à dix-neuf ans (fin 2005) en étant un branleur ? Hé ben non ! Cette étiquette du mec pas sérieux, ça me fait marrer. Je ne suis pas un clown. C'est fou parce que c'est tout le contraire : j'ai une carrière très régulière en fait. Ces quatre dernières années, j'ai fini au pire 45e. Comment un mec pas sérieux peut réussir ça ?
- Si cette image est née, c'est aussi parce que les gens vous voyaient changer d'entraîneur comme de chemise...
- J'ai toujours changé pour progresser. C'est mal ça ? Ce n'est pas pro ? Et pourquoi ne dit-on pas plutôt : "Gaël a fait un choix courageux en allant travailler avec un coach australien dur et exigeant" ? Il y a peu de joueurs français qui ont osé ça. Je dis "oser" parce que ce n'est pas facile quand on ne parle pas bien l'anglais de faire ce choix. Je l'ai pourtant fait parce que c'était la bonne décision professionnelle. C'est marrant mais ça on ne le remarque pas trop.
- Vous sentez-vous incompris ? Les gens confondent peut-être aussi votre amour du spectacle avec celui du je-m'en-foutisme...
- Sur le terrain, je suis spectaculaire, j'adore le show, j'adore faire se lever les gens. J'aime changer de coiffure, mettre des lentilles de couleur, parce que j'aime rigoler. Du coup, on imagine que je suis un malade dans ma vie et un fumiste dans mon boulot. Alors que pas du tout. On dit ici ou là qu'on m'a vu au VIP très tard avant un match. Mais si je suis en discothèque à 4 heures du mat', le lendemain je prends trois sets. Un peu de bon sens !
- Mais il y a trois ou quatre ans, vous avez peut-être "déconné" de temps en temps dans votre métier, notamment dans votre hygiène alimentaire fast food...
- Pff... Oui, j'aime le McDo, j'aime les sandwiches grecs et alors ? J'en mange moins qu'avant mais je continue. Je brûle tout de suite ce que je mange. Vous trouvez que je me traîne sur le terrain ou que j'ai besoin de faire un régime ? Je suis une personne saine, je ne bois jamais d'alcool. On a raconté aussi que pendant les tournois, j'allais faire un basket, taper deux ou trois dunks vite fait et que je prenais le risque de me tordre une cheville. Oui, je joue au basket mais je fais gaffe. Il faut aussi respecter ce que je suis, comment je fonctionne. Il faut me faire un peu confiance.
- A l'intersaison, vous avez musclé vos bras, vos épaules et tout le haut du corps. Ça sert à quoi ?
- Roger m'avait demandé de muscler ma ceinture abdominale pour améliorer mon revers. Ça me permet aussi de servir fort plus longtemps. Mais j'ai maigri un peu du haut ces dernières semaines.
- Vous semblez aussi avoir progressé au niveau de la vision du jeu. Comment se fabrique-t-on une culture tactique ? Avez-vous par exemple vu plein de matches de la saison de terre pendant votre indisponibilité de cinq semaines ?
- J'ai vu le match d'Amé (Mauresmo) contre Szavay à Madrid. C'était super.
- Oui sans doute, mais vous n'avez aucune chance de les rencontrer, ni l'une ni l'autre. On pensait plutôt aux garçons...
- Ah non, je n'ai rien vu. Je ne suis pas très tennis à la télé sauf si je peux tomber sur un match de Jo (Tsonga) ou "Gilou" (Simon).
- En revanche, les play-offs NBA, vous avez suivi. Est-ce que vous ne préférez pas finalement le basket au tennis ?
- On ne peut pas dire ça. Pour le tennis, Roger (Rasheed) me demande de plus en plus de visionner des montages vidéo qu'il prépare. De moi-même, je ne le ferais pas mais c'est instructif. Roger est un fou furieux de ça. Il arrive avec son cahier et son DVD et il me dit : "Regarde. On est à 2-1, 15-40. Pourquoi tu as fait ce coup-là ?"J'adore le tennis mais une fois que c'est fini, c'est fini. C'est peut-être pour ça que les gens pensent que je me disperse, parce que je suis ouvert à plein d'autres choses. Je ne dirai jamais que le tennis est ma vie. Disons que j'adore le tennis, légèrement plus que le basket.
- N'auriez-vous pas aimé plutôt être basketteur ?
- Si je devais choisir entre moi maintenant et une carrière à la "TP" (Tony Parker), y aurait match. Ça me fait rêver ce qu'il accomplit.
- Gaël Monfils dans vingt ans, ça ressemblera à quoi ?
- J'aurai des enfants. Je vivrai je ne sais pas où : Miami, Paris, la Guadeloupe... Quoi que je suis vachement bien à Nyon, en Suisse. C'est la campagne, c'est calme et je me sens tellement bien là-bas. Je pense que je change. Ouais, je change.
- Et vous feriez quoi dans la vie ? Capitaine de Coupe Davis ? Entraîneur ?
- Moi, j'aimerais bien être trader. C'est un job qui me passionne. Je lis beaucoup de bouquins là-dessus depuis deux ans. Il y a une banque qui va m'aider à me former.
- Ça alors. On n'aurait jamais imaginé Gaël Monfils à Wall Street...
- J'adorerais ! J'apprends la Bourse et aussi la musique. D'ailleurs, je passe le bonjour à David Manet, mon professeur de piano et de solfège. Je m'y suis mis sérieusement depuis le début de l'année. J'écris aussi des textes. Dites bien que je ne chante pas et que ce n'est pas pour sortir un album. Je n'ai pas envie de passer pour un mytho (rires). »
FRÉDÉRIC BERNÈS
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