Article super intéressant :
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Si Gaël Monfils passe rarement inaperçu, il sera guetté à plus d’un titre au tournoi de Paris-Bercy, qui débute demain. Finaliste de l’édition 2009, vainqueur à Montpellier le week-end dernier, il s’avance aussi comme le leader de l’équipe de France, privée de Tsonga pour la finale de la Coupe Davis en Serbie, du 3 au 5 décembre.
Si la Coupe Davis est déjà dans toutes les têtes, Bercy revêt pour vous un caractère particulier avec une finale à défendre.
Je ne suis pas dans l’optique de défendre quoi que ce soit. Pas mon genre. Je viens pour gagner, nuance. Surtout que je suis passé tout près l’an passé (défaite au tie-break du 3e set contre Djokovic).
La première chose qui vous vient à l’esprit en repensant à cette épopée?
C’était de me dire "merde, je suis en finale", alors que je n’étais vraiment pas au mieux en arrivant. Chaque victoire, c’était un truc de dingue. Ici à Paris, devant ma famille et mes amis, je suis toujours très chaud. C’est aussi pour cela que si je n’arrive pas à remporter un jour Roland-Garros, je le vivrai comme un échec.
En six ans sur le circuit, vous n’avez pourtant remporté que trois titres "ordinaires".
Oui mais j’ai combien de finales? Douze, ce qui n’est pas si mal. D’accord, c’est mieux de les gagner mais ce que je trouve chiant, surtout, c’est de n’avoir jamais pu faire une saison complète. J’ai toujours eu une coupure, une blessure, une connerie. Je pense aussi que j’évolue sur l’aspect mental, sur la façon d’appréhender les grands rendez-vous.
"Je me bats, mais mal"
En même temps, vous dites que vous ne comprenez pas toujours pourquoi un jour tout va et le lendemain plus rien…
On peut évoluer sans forcément tout saisir… Je ne crois pas aux gens programmés, qui pensent qu’ils seront au top demain. Moi, je ne comprends pas forcément tout, je laisse faire la vie, mais je prends aussi conscience de certaines choses. Je sais mieux comment réagir pour inverser la température. J’ai des jeux de rechange. Ce n’est pas parfait, je dois prendre plus de risques, rester plus près de ma ligne aux moments importants, cadenasser mes émotions. J’ai encore du boulot.
Pourquoi ne parvenez-vous pas à laisser vos soucis personnels à la porte du court?
C’est mon gros défaut. J’ai du mal à me blinder, à faire la part des choses entre le sport de haut niveau et ma vie privée. Cela joue sur ma concentration. Je me bats, mais mal. Je me laisse envahir par mes pensées. Cela n’aide ni pour le tennis, ni pour mes problèmes personnels quand j’en ai.
Vos coaches précédents avaient du mal à vous canaliser hors du court. Roger Rasheed, réputé intransigeant, vous a-t-il interdit des choses?
Non, mais il en a imposé d’autres. Il a su me redonner le goût de me faire très mal. La souffrance est devenue un jeu. Ça part de petits paris entre nous, lancer un truc dans une poubelle par exemple. Au bout de la journée, ça peut faire jusqu’à 700 pompes! Roger a surtout vite cerné mon caractère, très atypique.
"Quand je deviens un peu académique, ça déroute"
Quelle forme peut prendre cette singularité?
Je peux très bien dire que je n’ai pas envie de m’entraîner durant quatre heures pour, derrière, passer une heure à jouer au basket, histoire de m’aérer l’esprit. Du coup, je me fais critiquer sur certains de mes choix. J’ai essayé aussi d’être très sérieux, de taper des balles cinq heures de suite sans un mot ou un sourire. Mais ce n’est pas moi, je ne suis plus heureux. C’est limite si mon entourage ne préfère pas que je fasse deux ou trois conneries! Quand je deviens un peu académique, ça déroute. Si je dis que je suis en train de lire un bouquin, que je vais me coucher à 20h30, on me demande si tout va bien, s’il n’y a pas de souci avec la famille, la copine… Si j’arrive en avance un matin pour un footing, on s’inquiète: "Gaël, tu t’es fait jeter de chez toi ou quoi?"
Votre image, vous vous en moquez?
Les étiquettes me font marrer. On se permet d’écrire "ce mec-là, il est comme-ci", juste parce qu’on m’a vu jouer un ou deux matches de tennis. Au tout début, on me prenait pour un grand fêtard, alors que j’en faisais plutôt moins qu’un jeune de mon âge. Parfois, je cherche à comprendre: pourquoi je donne l’impression de faire des choses dingues? Si on vous dit que Gilles Simon et moi partons en vacances à Miami, vous allez penser que notre programme sera forcément différent, n’est-ce pas? Pour ne pas qu’on m’emmerde, j’essaie de rentrer dans la norme sur certains trucs.
C’est vrai aussi pour la Coupe Davis, une épreuve dont vous avez fini par prendre la mesure cette année?
Je ne connaissais pas très bien l’épreuve, je ne l’avais jamais trop regardée quand j’étais plus jeune. De toute façon, je ne regardais pas le tennis. En voyant le visage de certains joueurs changer, en m’imprégnant de l’ambiance, j’ai fini par saisir la magie de la Coupe Davis. Maintenant je suis fan. Et je la veux.
Guy Forget, le capitaine, a-t-il peiné à vous apprivoiser?
Au début, il me trouvait sans doute bizarre. Si je n’ai pas trop de feeling, on ne tire rien de moi. Et dans ces cas-là, je n’ai pas peur d’ouvrir ma bouche, de dire non. Sans que ce soit méchant. En me suivant, en me voyant m’entraîner tout au long de la saison, Guy a mieux cerné ma personnalité. Il a compris que s’il essayait trop de me changer, d’être trop directif, il allait avoir du mauvais en retour. Ce n’est pas en une semaine de stage que l’on change quelqu’un. Surtout moi.
J'aime bien le fait qu'il explique son parcours de Bercy de l'année dernière parce que j'avais ressenti un peu la même chose. Il l'a plus réussi à grâce au mental que grâce à son jeu. C'est pour ça que pour moi Bercy n'aurait pas vraiment représenté un cap s'il le gagnait de cette manière. En revanche s'il bat des Murray Federer ou Djokovic en jouant vraiment bien, pour moi ça pourrait vraiment représenter un déclic.
Il y a plein d'autres trucs intéressants comme le fait qu'essayer d'être sérieux, un peu "comme les autres" pendant un match ça marche pas du tout. Pour moi l'exemple criant c'était Indian Wells. Il était super sérieux, pas de sourire rien et finalement alors qu'il menait tranquillement il s'est fait remonter et a jamais su réagir parce qu'il était pas du tout dans la bagarre.
Et j'adore Rasheed, il a complètement cerné Gaël parce qu'au lieu d'essayer de le changer en gommant ce qui ne va pas il lui impose des contraintes pour l'inciter à être pro "à son insu". C'est vraiment un super coach.